De temps en temps, je reçois des demandes de la part de jeunes étudiants ayant choisi la question astrologique / les horoscopes, comme thème pour un travail (scolaire) personnel encadré. Il se produit la même chose à l’automne du côté de la messagerie de l’Observatoire Zététique, où les sujets renvoyant à la pensée critique sont, bien entendu, plus variés.
Cette fois-ci, c’est L.L. qui m’écrit pour un travail personnel encadré de 6e, en dernière année du cycle secondaire général. Comme vous, peut-être, je me suis demandé (vu de France) à quelle année de scolarité correspond exactement ce travail. Croyant initialement qu’on m’écrivait du Québec, j’ai cherché et finalement trouvé que ma correspondante étudiait en Belgique. Elle me le confirme et m’autorise à reproduire ci-dessous ses intéressantes questions ainsi que les réponses que je viens de lui apporter un peu à la volée.
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– Comment expliquez-vous l’attrait pour l’horoscope de nos jours ?
Je pense que l’horoscope est devenue une habitude, il fait un peu partie des meubles, pour ainsi dire, de certaines revues. Je ne sais pas, par exemple, comment on évalue l’impact de la présence d’un horoscope. Je pense aussi que l’horoscope se lit et s’écoute un peu comme on prend son café ou « fume sa clope » le matin : pendant quelques dizaines de secondes on se coupe du monde, on s’isole dans notre petite bulle astrologique.
L’horoscope plait aussi parce qu’il n’est pas seulement validé quand il correspond à la réalité, il parle à la personne dès qu’il est en écho avec ses désirs. Si une personne va particulièrement mal, elle sera plus sensible à l’annonce d’une bonne journée que si elle va bien. Si une personne cherche activement du travail, l’annonce d’une opportunité professionnelle dans la semaine est un baume au coeur. Si une personne est malheureuse affectivement, l’annonce d’une rencontre peut la booster. Etc. Cela touche alors sans qu’il y ait besoin que cela se réalise finalement. [ajout : on peut se représenter alors l’intérêt de l’horoscope de presse, voire de l’astrologie, comme une aide extérieure, psychologique, quand sans solution, « il faut tenir » face à l’adversité de la vie, laisser passer une période difficile].
– Selon vous, est-ce que l’horoscope est une véritable croyance ?
La question n’est pas claire. L’astrologie est une croyance [dans le sens où elle fuit les problématiques négatives pour sur-privilégier les situations / sujets où elle se sent à l’aise], l’horoscope en est tiré mais ne l’est pas plus qu’elle. Toutefois, bien des astrologues croient en l’astrologie tout en rejetant les horoscopes de presse car ils sont une caricature technique. En cela, les lecteurs d’horoscopes relèvent du cadre de la croyance, oui, mais de là à dire que l’horoscope « est une croyance » à part entière, je n’irai pas jusque-là. A la rigueur peut-on parler de superstition dans le sens où rien de complexe ne soutient / fonde les horoscopes de presse. A la rigueur profitent-ils de la réputation de l’astrologie.
– Selon vous, est-ce que l’horoscope représente quelque chose de scientifique ?
Non, non et non ! 🙂
Aucune science ne soutient l’horoscope (l’astrologie n’est pas une science).
Aucune influence physique, donc causale, ne peut rendre compte de quelque chose qu’il y aurait derrière les horoscopes de presse.
Comme expliqué plus haut, on peut tirer profit psychologiquement des horoscopes de presse sans qu’ils aient besoin d’être vrais.
Les horoscopeurs, d’ailleurs, ne cherchent jamais à mesurer l’impact des horoscopes de presse : comment pourraient-ils savoir si « ça marche » ou pas ? Auprès de leur entourage ? Non car 1) il est trop faible pour être représentatif et 2) les proches sont moins objectifs en moyenne, voire ne peuvent pas toujours être francs.
– Que pensez-vous de la présence du 13ième signe, le Serpentaire ? Cela change t-il beaucoup de choses ?
Le 13e signe n’existe pas, il n’y a qu’une 13e constellation. De plus, d’après les historiens, il semble que la 13e constellation (d’origine Grecque) ait été ajoutée au zodiaque des douze signes créé plus tôt en Mésopotamie. Il se peut donc que tout cela ne soit que de l’argumentation, ne repose même pas sur des données historiques.
Ainsi, la grande majorité des astrologues ne se réfèrent pas aux constellations mais aux signes astrologiques. C’est une des rares erreurs de la critique que de parler d’un 13e signe.
Si certains astrologues ont essayé de créer un 13e signe c’est en général pour répondre à la critique plus que pour reprendre une tradition (qu’ils sont bien incapables de donner) : le comble de l’absurde…
– Pourquoi le ciel des astronomes n’est-il pas le même que celui des astrologues ?
Parce que le ciel des astrologues n’en est pas vraiment un. Le ciel des astrologues est purement virtuel, il est encore celui de l’astronomie ancienne (d’il y a 2000 ans).
Comme je le décris dans mon livre et quelques conférences, les astres de l’astrologie sont au nombre de quelques dizaines alors qu’il y en a des milliards rien que dans notre système solaire.
De plus, les astres de l’astrologie sont alignés alors que ce n’est pas le cas dans le ciel réel.
Enfin, le ciel des astronomes est un ciel plein de forces physiques mesurables et de différentes natures, mais aussi de corps très très bizarres et très très lointains alors que celui des astrologues est juste vide et aussi petit qu’on le croyait avant l’invention de la lunette astronomique (il y a 400 ans !).
[Le ciel des astrologues est encore celui qu’on imaginait / rêvait il y a des siècles avant d’y avoir accès avec des instruments d’observation et, depuis le XXe siècle, de mesure]
– Pensez-vous que l’horoscope a un effet thérapeutique ? Si oui, lequel et dans quel cas ? (exemples si cela illustre votre réponse évidemment)
Je ne suis pas compétent pour répondre à une question thérapeutique mais je pense que l’horoscope rassure évidemment ceux qui l’écoutent, en cela il y a un effet bien réel. Mais, en allant plus loin, je pense aussi que l’horoscope est abrutissant dans sa façon de laisser croire que le monde est simple et que des choses sont écrites si profondément que les astres en porteraient la trace.
C’est [surtout] un terreau quotidien pour laisser croitre d’autres superstitions, donc pour tirer les cerveaux vers le bas. S’il y a un effet thérapeutique, il est négatif.
– Pensez-vous qu’il arrive aux hommes politiques et chefs d’entreprises de consulter leur horoscope ? Si oui, cela pourrait-il avoir des effets sur leur manière d’agir/leurs décisions ?
Il n’y a pas de raison pour qu’ils ne consultent pas leur horoscope alors que bien d’autres personnes le font.
Est-ce que cela impacte leurs décisions, par contre, je ne pense pas et j’espère bien que non.
En fait, la question peut se poser différemment avec ceux qui consultent un astrologue car je pense que la consultation astrologique est comme du brainstorming. Dans ce cas-là, l’astrologue n’est qu’un conseiller parmi les autres conseillers qui entourent l’homme politique ou le chef d’entreprise. [A la différence prêt que son approche est techniquement déconnecté des contraintes du réel, ce qui peut être un avantage en termes de créativité, de nouveauté de points de vue. Indépendamment du vrai]
– Pensez-vous que l’horoscope a un parallélisme avec le destin/la Providence ?
Il y a nécessairement un parallèle avec la notion de destin / de fatalité car l’horoscope n’est soutenu par aucune causalité ni explication causale. Si c’était le cas alors, comme on le fait en science, on pourrait prédire précisément à partir des causes et envisager même d’interférer avec elles si on les connait.
De plus, la prédiction par l’horoscope est la même quels que soient les efforts qui ont été les vôtres la veille : ne jamais oublier qu’avec l’horoscope de presse l’astrologue ne tient PAS compte de votre situation personnelle 😉
– Comment les astrologues rédigent-ils les horoscopes pour qu’ils conviennent à un grand nombre de personnes ayant le même signe ?
Il suffit qu’ils annoncent de bonnes nouvelles pour l’avenir : comme un très grand nombre de personnes a une partie de sa vie qui est dans l’incertitude (entre les amours, la santé, le travail et l’argent), avec des prédictions hebdomadaires ou quotidiennes il y en a nécessairement qui tapent dans les désirs des gens que demain soit meilleur qu’aujourd’hui. [Ceci ne dépend pas du signe, cela « marche » pour tous]
De plus, l’appartenance à un signe donne l’illusion d’une personnalisation de la prédiction alors que techniquement (donc du point de vue astrologique…), c’est juste faux. Un horoscope de presse focalise sur 5% [à la louche !] des données disponibles en faisant comme si elles étaient importantes. La preuve ? Un astrologue ne s’en sert pas en consultation… Et puis, n’oublions pas que chaque prédiction est la même pour des centaines de millions de personnes quels que soient leur âge, leur santé, leurs conditions de vie, qu’on vise 1/12e de la population ou 1/36e (avec les décans). J’aime bien imaginer les détenu(e)s dans une prison écoutant leur horoscope leur annoncer une opportunité professionnelle, une rentrée d’argent ou (s’ils sont hétéros [car les prisons ne sont jamais mixtes…]) une rencontre amoureuse… [idem pour les personnes, de tous les signes astrologiques, qui sont dans le coma…]
– L’horoscope fait-il gagner de l’argent et/ou du pouvoir à quelqu’un ?
Les horoscopes ne sont pas toujours rédigés par des astrologues, pas sûr qu’il y ait tout le temps une rémunération.
Par contre, les horoscopeurs médiatiques ont nécessairement des retombées pécuniaires et d’influences à cause des contacts qui sont les leurs.
– L’astrologue a-t-il un but précis lorsqu’il rédige l’horoscope ?
A mon avis redonner le moral aux gens 1) bien qu’il ne les connaisse pas, 2) bien qu’il ne connaisse pas leur situation, 3) bien qu’ils puisse leur dire des choses fausses
– Et enfin, une question qui vous est assez personnelle, je le concède…
J’ai lu et compris que vous aviez été astrologue mais que vous ne l’êtes plus désormais. Pourquoi cela ? Est-ce que quelque chose vous a fait changer d’avis sur la véracité de l’horoscope ? Quelles critiques pourriez-vous donner à l’horoscope ?
L’astrologie est une discipline bien plus complexe que les horoscopes de presse. Elle a traversé plus de deux millénaires d’Histoire pour cette raison : sa complexité fait que l’astrologue peut se tromper sans même s’en rendre compte. Je suis sorti de l’astrologie parce que j’ai commencé à m’intéresser à ce qui n’y marchait pas. En effet, je voyais en permanence d’autres astrologues se contredire entre eux + ma formation scientifique me montrait bien que toutes les critiques sceptiques n’étaient pas fausses.
A force de chercher ce qui n’allait pas afin d’améliorer l’astrologie, j’ai fini par trouver bien plus de choses que je ne cherchais. Il y a eu un moment où j’ai commencé ma propre « autocritique » de l’astrologie et, petit à petit, je me suis trop éloigné des astrologues pour pouvoir continuer de croire en l’astrologie.
Plus récemment, la question des biais cognitifs m’a permis de mettre des mots sur de nombreuses intuitions que j’avais : une petite erreur qui est répétée systématiquement crée ce qu’on appelle un biais cognitif, c’est à dire une sorte de voile [artificiel] qui nous empêche de voir toute une partie de la réalité. Dans ce cas-là on rejette de bonne explications au profit de mauvaises + on prend pour des succès ce qui relève du hasard ou d’un biais cognitif justement [il y a des alternatives mais on ne les perçoit pas], etc. J’ai donc compris à quel point je m’étais trompé et… à quel point se trompent les astrologues en général.
Ce qui est terrible c’est que les astrologues refusent de lister leurs erreurs afin de les solutionner : [de ce point de vue] ils sont prisonniers d’une approche croyante qui les oblige à voir les choses à l’envers, c’est à dire à ne regarder que celles qui « marchent » pour eux en demandant aux sceptiques de les admettre de force [voire de les prouver].
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